MEMORANDUM
MEMORANDUM A L’ATTENTION DE SON EXCELLENCE MONSIEUR LE VICE-PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE EN CHARGE DE LA COMMISSION SOCIO-CULTURELLE.
Excellence Monsieur Le Vice Président de la République,
Nous, membres de l’Association pour la Défence des Intérêts de la Ville de Bukavu, A.D.I.B en sigle,
Conscients de tous les efforts que le gouvernement ne cesse de déployer en vue de restaurer la paix, la réconciliation nationale et l’intégrité territoriale de notre pays dans le but de garantir à toutes nos populations un lendemain meilleur, avons l’insigne honneur de vous adresser ce mémorandum qui contient notre point de vue et quelques propositions à caractère social et humanitaire.
Excellence Monsieur Le Vice Président de la République,
Les ambitions qui caractérisent les actions quotidiennes de notre gouvernement sont réellement nobles dans la mesure où elles se résument en la volonté politique de reconstruire rapidement une nation forte, un Etat digne et un pays souverain.
Cependant, la situation actuelle, déplorable sur les plans économique et social, nous interpelle tout en étant solidaire avec le gouvernement quant au défi d’entretenir une armée dissuasive afin de décourager les ennemis de la paix pour notre pays.
En effet la situation sociale de nos populations, déjà très précaire à la fin de la 2ème République, était rendue dramatique dans l’Est du pays en 1994 avec l’entrée massive et incontrôlée des réfugiés rwandais au Sud et au Nord-Kivu.
La guerre de 1996 quoique nous ayant libéré de la dictature mobutienne, avait néanmoins compliqué davantage la vie de nos populations de l’Est qui, malgré toute leur misère et après le pillage des militaires en débandade, avaient encore consenti d’énormes sacrifices en acceptant volontiers de donner tout ce qui leur restait comme biens pour nourrir, vêtir et équiper les militants de la libération.
Beaucoup de nos filles et fils avaient sacrifié leur vie parcequ’ils avaient réellement cru à la cause de la libération nationale.
Vous savez sans doute mieux que nous, que 80es victimes de la guerre de 1996-1997 avaient été des combattants originaires de ces mêmes provinces encore aujourd’hui confrontées aux ambitions hégémoniques des agresseurs.
Pire encore, ces populations avaient été plongées dans un désarroi total aussitôt la libération du territoire national réalisée et cela à cause des véillités expansionnistes clairement affichées par nos alliés d’antan.
Dans le but de réaliser leurs rêveries, des représeilles indescriptibles avaient été infligées à plusieurs de nos frères parceque ne pouvant jamais accepter ni tolérer une domination quelconque des étrangers sur notre propre sol.
Comme si tout cela ne suffisait pas encore pour arrêter toute vie dans le Sud et le Nord Kivu, voilà que entre le 02/08/1998 et le 30/06/2003, date de la signature de l’accord global et inclusif, l’occupation de ces territoires s’était concrétisée : vive alors les exactions de toute sorte, les pillages , les déportations, les tueries, les vols, les viols, etc…
Nous garderons longtemps en mémoire le calvaire qu’ont enduré deux des vaillants fils de Bukavu, qui étaient déportés à la prison de Bulowo au Katanga en décembre 1998 pour avoir relevé le défi de l’excellence et le calvaire qu’endure encore depuis la nuit du 22 au 23 avril 2001 à l’ex-prison de Makala, 19 autres fils de notre terroir pour avoir servi innocemment et avec dévotion la cause de la libération de l’époque.
Tout en étant très heureux que du premier groupe soit sorti aujourd’hui le Vice Président de la République en charge de la commission socioculturelle, nous déplorons cependant la mort de l’autre et sollicitons du gouvernement de la transition, la relaxation pure et simple de ces 19 détenus, tous fils de Bukavu, pour des raisons humanitaires et ne fut ce que par reconnaissance de toutes ces affres et humiliations que notre Ville et ses populations auront supporté depuis bientôt dix ans.
Il y a une année, lors de la mise en place des nouvelles institutions et leurs animateurs conformément à l’accord global et inclusif, fruit tant entendu du dialogue inter congolais, l’espoir renaissait en nous, de voir toutes ces misères trouver rapidement des solutions appropriées, mais hélas, les récentes rébellions au sein de la 10ème Région militaire sont venues achever, principalement à Bukavu, le reste du tissus économique et social rescapé des évenements antérieurs.
Que reste-t-il alors des populations autochtones ?
Que reste-t-il des infrastructures scolaires, hospitalières et mêmes religieuses détruites systématiquement après avoir servi d’abris aussi bien à nos assaillants qu’aux réfugiés en provenances de toutes parts ?
Que reste-t-il des précieuses ressources agricoles, animales, végétales et minérales qui faisaient autrefois la fierté de notre grand KIVU?
Que reste-t-il des sites touristiques, des centres de recherches scientifiques en agronomie et en médecine tropicale qui drainaient autrefois les grands hommes de science et chercheurs de ce monde vers notre chère ville de Bukavu ?
Que deviendront alors ces enfants qui naissent des exactions multiformes exercées sur nos grand-mères, nos mères, nos sœurs et nos filles ?
A toutes ces questions nous n’avons pour réponse que catastrophe et désolation.
Nous saisissons cette occasion pour remercier déjà et vivement, au nom des populations de la Ville de Bukavu, le gouvernement de transition pour les actions entreprises afin d’assurer l’approvisionnement des troupes engagées dans les opérations à l’Est et le décaissement des fonds nécessaires pour la réhabilitation de certaines infrastructures publiques dont le marché de Kadutu et les besoins humanitaires urgents.
A l’examen de la situation réelle que vivent ces populations de Bukavu, nous avons difficile à différencier les besoins sociaux, les besoins humanitaires, les besoins économiques et politiques. Dans une ville aussi profondément sinistrée, toute aide possible sera la bienvenue et aura un impact positif sur nos populations dans la mesure où elle concourre à solutionner les problèmes du vécu quotidien.
Cependant, nous estimons aussi que l’opportunité nous est offerte par le gouvernement de transition qui, dans son compte rendu du Conseil des Ministres du 16/07/2004, informe l’opinion publique qu’en plus de vos charges nationales habituelles, il vous est spécialement demandé de préparer un dossier technique en rapport avec les besoins sociaux de la Ville de Bukavu.
C’est pourquoi, Excellence Monsieur le Vice Président de la République, pour apporter notre modeste contribution à cette tâche combien lourde qui vous incombe, nous nous faisons le devoir de vous faire parvenir quelques propositions ainsi que le projet en annexe, élaboré par le Curé-Doyen de la paroisse Cathédrale de l’Archidiocèse de Bukavu.
Ce projet, pour lequel nous sollicitons instamment le financement du gouvernement par votre entremise est évalué globalement à
79.449 $ US et, porte essentiellement sur la réfection de la toiture bétonnée qui suinte, des vitres cassées, de la peinture usée ainsi que de la voie d’accès à de cette Cathédrale.
En effet, la Cathédrale de Bukavu est un monument national symbole de l’unité du pays pour tous les congolais et symbole de l’accueil sans discrimination pour tout le monde surtout pendant les dures épreuves des réfugiés cycliques en provenance du Rwanda et accueillis à tour de rôle, ceux de Bukavu souvent délogés lors des différentes guerres ainsi que ceux de Goma lors de l’éruption volcanique de 2002 qui a brûlé plus de 80.000 maisons.
C’est aussi le siège des plusieurs organisations chrétiennes qui luttent dans la non violence pour la paix de la RDC, dans la sous région des Grands Lacs et en Afrique en général.
Pareil geste de la part du gouvernement sera certainement bien accueilli et apaisera un tant soit peu nos populations maintes fois sinistrées.
Aussi pour mettre la main à la pâte, notre association, A.D.I.B, a identifié quelques secteurs qui exigent une intervention rapide de la part de notre gouvernement.
1. Sur le plan de l’Infrastructure
Il s’avère que c’est depuis dix ans maintenant que les évènements malheureux ont détruit presque toutes les infrastructures publiques de la Ville.
Il ne reste pas moins vérifiable que sur le plan privé, Bukavu n’avait jamais connu auparavant autant de constructions privées des maisons en matériaux durables mais, malheureusement dans une anarchie totale où il n’a pas été prévu des voies d’évacuation des eaux usées, des voies d’accès par véhicule ainsi que d’espaces verts.
D’une façon générale le plan de la ville mérite d’être repensé en termes d’assainissement et d’extension en créant des nouveaux quartiers et espaces verts vers l’aéroport de Kavumu.
Mais, en attendant ce plan « Marshall » pour Bukavu, nous énumérons ci-dessous quelques priorités dont certaines ont déjà été identifiées par le gouvernement :
1.1 Réparation de la piste d’atterrissage de l’aéroport de Kavumu longue de 2.200m sur laquelle apparaissent des nids de poules aggravés lors des récents événements par des bombardements et l’accueil des avions de gros tonnage.
1.2 Réhabilitation des routes de desserte agricole surtout les axes
Bukavu - Ngomo – Uvira,
Bukavu - Minova - Goma
Bukavu – Kitutu – Mwenga.
1.3 Réhabilitation du réseau de la SNEL par le remplacement des câbles basse tension sur toute l’étendue de la ville .
1.4 Réhabilitation des infrastructures scolaires et hospitalières surtout à l’intérieur de la province.
1.5 Réhabilitation des Hôpitaux généraux de référence et centres de santé.
1.6 Réhabilitation du résau d’évacuation des eaux usées et de pluie.
1.7 Réhabilitation des ports et entrepôts à Bukavu, Idjwi, Goma et Kalehe.
2. Sur le plan économique et social
Les populations de la Ville de Bukavu vivent depuis plus de deux décennies des micro crédits et de l’économie informelle. Toutes ces activités ont été détruites.
Nous proposons :
2.1. Identifier et indemniser les commerçants de la Coopérative du grand marché de Kadutu à Bukavu victimes des actes de vandalisme, de pillage et de l’incendie lors des événements du mois de juin 2004.
2.2. Initier et exécuter un projet de micro-crédit qui va permettre à la population de reprendre des activités agricole et commerciale pour leur survie.
2.3. Exonérations fiscales et douanières en faveur notamment des importateurs des produits d’assistance humanitaire
2.4. Garantir aux militaires en opération à Bukavu ,le paiement régulier de leur solde au risque en cas de carence de se retourner contre les populations pour se nourrir.
2.5. Rétrocession à la Province d’un pourcentage significatif des recettes réalisées.
2.6. Décentralisation effective sur le plan administrative et financier.
2..7. Réhabilitation des exploitations industrielles et artisanales.
Excellence Monsieur le Vice Président de la République,
Tout en étant convaincus de notre victoire militaire contre nos multiples agressions et rébellions, il n’est cependant pas évident que nos populations de l’Est trouveront là la solution à leurs aspirations profondes, notamment
bâtir une paix durable dans la région pour nous permettre de poursuivre aisément la reconstruction nationale et vivre aussi normalement dans cette partie du pays.
L’ampleur du drame nous amène à recourir à la conscience de vous tous, Président et Vices Présidents de la République, et au sens élevé du patriotisme et d’humanisme qui doivent vous animer, au nom de ces populations innocentes, pour vous proposer enfin, d’engager notre gouvernement dans la logique de privilégier
la voie des négociations pour régler nos différents, partant évidemment du principe sacro-saint que ni l’intégrité territoriale, ni la nationalité ne peuvent être négociables.
Ainsi, nous pourrons alors reconstruire effectivement notre
GRAND CONGO digne, avec des
structures politiques stables et des lois acceptées par tous les congolais et qui permettront à tout un chacun (étrangers et nationaux) de vivre en paix et en toute sécurité sur notre sol dans le strict
respect du pouvoir établi et des textes réglementaires.
Nous vous en souhaitons bonne réception.
Fait à Kinshasa, le